Emilie Moutsis, artiste plasticienne, vidéaste et performeuse, vit et travaille à Paris.
Les productions d’Émilie Moutsis se présentent comme les ramifications naturelles de ses questionnements intimes. Combinant différents médiums dont le choix n’est jamais déterminé que par la nécessité contingente, l’artiste créé des œuvres percutantes qui, par leur exposition, conduisent le spectateur à s’affronter à ses propres doutes.
Creusant le sillon de l’introspection, elle soulève un tourbillon d’interrogations métaphysiques auxquelles la délicate monstration des chairs répond dans la tradition de l’hermétisme. Le public est invité à pénétrer dans un décor empreint de symbolisme, où le corps de l’artiste, omniprésent, se trouve comme escamoté par un dispositif de mise à distance. Une silhouette se dessine, fragile, puis disparaît sans tarder, laissant le voyeur en proie à la frustration, tout près de basculer dans une expérience mystique.
Le désir se fait alors cheval de Troie. L’émotion brise les tabous et offre au spectateur de précieux moments de grâce, débarrassés des pesanteurs de la logique. L’acceptation du mystère devient source de compréhension. Le doute n’est plus une tornade destructrice, mais un courant porteur.
La phénoménale puissance de vivre d’Émilie Moutsis perce à travers des œuvres singulières où se mêlent performance, sculpture et vidéo. Dans Bedigunglosse liebe, présentée à Hambourg, elle réalise un moulage de son sexe qui reste pendant plusieurs jours sur le sol de la galerie Genscher. Le spectateur peut l’approcher, le déchiffrer, reproduisant malgré lui le rite étrange d’une première fois. Dans L’origine de l’amour, une installation vidéo créée à partir d’une série d’autoportraits, l’artiste cède sa place à Suspensio Regina, sa mystérieuse héroïne. Le film, projeté dans une pièce fermée à clé, n’est visible que depuis un œil de bœuf.
Le travail d’Émilie Moutsis peut être appréhendé sous l’angle d’un double mouvement en apparence contradictoire où la fuite se substitue à la séduction. Le public est appelé à franchir une ligne rouge au-delà de laquelle la définition de l’intime est bouleversée. Ce n’est qu’au terme de ce jeu pimenté de paradoxes que la curiosité déçue est transcendée pour livrer la roborative impression d’une rencontre fugace, comme si l’artiste avait transmis son flux lors d’une séance éclair de glory hole.
Geraald Sernic